Longtemps, j’ai cru que ma place dans l’art n’était pas légitime.

Les voix du doute, qu’elles viennent de moi-même, de proches ou d’épisodes douloureux (je vous raconte la fois où celui avec qui je vivais a découpé mon tableau en cours pour boucher la trappe du local de la chaudière ?), ont manqué de réduit mon travail au silence.

Ce silence, que j’aime tant et sur lequel je travaille, n’a rien d’un musellement : il approche la Conscience. Celui qui empêche la voix de sortir est d’une autre nature et contraint l’élan vital.

Mon désir profond de m’exprimer par la peinture n’a jamais été coupé. Une partie de ma force est née de résistances silencieuses et d’un acharnement à créer.

Prendre ma place, non pas pour avoir celle des autres mais pour exister dans mes différences et mes handicaps, dans mes nuances et mes couleurs propres.

Chaque oeuvre que je crée est une affirmation : “Je suis là, et mon regard compte”.

Merci d’être là pour les voir.

Silence !

C’est le silence qui donne le rythme : pas de musique sans silence. Il en est la respiration, comme dans une lecture. On dit du silence comme du vide qu’ils ne sont rien : j’en sonde toute l’information qu’ils recèlent. Dans les yeux, dans l’absence, dans les lèvres serrées et le masque des visages. Je cherche à le saisir, à peindre la pensée qui ne se dit pas.

Mes peintures et dessins sont des « hors-temps », ils n’en ont ni le repère ni l’accroche, ne se situent pas sur la ligne, guère plus que dans l’espace. J’y recherche la conscience, la perle de vie, la sensation de la présence.

Mon regard singulier sur le monde, nourri par mon autisme et ma sensibilité, me permet de percevoir les nuances les plus subtiles dans ce qui m’entoure. Une réalité augmentée sensoriellement, que ma peinture traduit par une forme d’intensité immobile.

Il y a souvent peu de mouvement dans mes créations : personnages et objets ont souvent un aspect quasi figé dans lequel j’introduis l’essence profonde de l’être, ses doutes, sa vibration particulière. Dans le silence la conscience se perçoit mieux, immobile, elle livre sa densité.

C’est cette rencontre intime avec l’essence intérieure que je poursuis inlassablement. Paysage, portrait, animal ou plante, la quête d’absolu est mon graal.

Mes pinceaux traduisent l’émotion pure en matière colorée comme pour retenir l’instant avant qu’il ne s’efface. Le temps et la vacuité sont au centre de ma pratique.

A travers mes oeuvres, j’invite le spectateur à ralentir, à écouter ce qui, en lui, y répond silencieusement.

C’est ce que j’aimerais que vous en disiez.